Durant les congés de fin d’année 2022, l’émission « C’est mon boulot » diffusée sur France Info se penche sur « la grande démission ». Pendant deux semaines, sont diffusés les témoignages de ceux qui ont choisi de quitter leur emploi à la suite de la crise sanitaire. J’ai eu le plaisir d’être invitée par Philippe Duport à la première de cette série d’émissions pour décrypter le phénomène.
Apparu aux États-Unis, il s’agit d’une vague de démissions allant jusqu’à dépasser celle connue dans les années 2000. Au second et troisième trimestres 2021, soit un an après le début de la crise sanitaire, le pays a connu un taux record de démissions, plus de 4% de la population, soit le double des taux enregistrés avant la pandémie (Liu, 2021; Pressman, Aaron, Gardizy, Anissa, 2021). Fin 2021, le taux de démission était de 3,0 %, son plus haut niveau depuis l’an 2000 (DARES, 2022). Des phénomènes similaires se sont fait sentir plus modérément en Amérique du Nord. Au deuxième trimestre de 2021, le taux de postes vacants au Canada était de 4,6 %, soit le plus élevé depuis 2015, années pour lesquelles ces données sont disponibles (Statistique Canada, 2021). Il en est de même en Europe où, en France par exemple, le nombre de démissions de personnes en contrat à durée indéterminé a bondi mi-2021 de 10,4 % en juin et de 19,4 % en juillet par rapport à la même période en 2019 (DARES, 2021). Début 2022, le taux de démission était de 2,7 %, ce qui représente le niveau le plus haut niveau enregistré depuis la crise financière de 2007-2008 (son plus haut niveau était de 2,9% début 2008).
La plupart de ces démissions s’expliquent d’une part par un effet d’opportunité (DARES, 2021). La reprise économique accompagnant la sortie progressive de la pandémie a engendré une réouverture de certains secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et la restauration. Des emplois mis en suspend durant la pandémie sont réapparus accompagnés de création d’emploi. Ainsi, dans certains secteurs le rapport entre l’offre et la demande d’emploi s’est inversé, permettant à de nombreuses personnes d’améliorer leurs conditions d’emploi en changeant d’entreprise. Cependant, certains changements de situation professionnelle semblent être le résultat d’une réflexion plus profonde. En constituant une parenthèse permettant la maturation d’un nouveau projet ou en accélérant et en concrétisant une réflexion sous-jacente (Alfonsi et Segon, 2022), le contexte de pandémie de COVID-19 a conduit certaines personnes à des changements de carrière plus extrêmes et plus durables.
« La grande démission » a déjà fait 520 000 départs en France depuis la fin du premier trimestre. C’est mon boulot, France Info. Émission du 19 décembre 2022.