Le temps d’une recomposition profonde des conditions de travail est-il venu ? La crise sanitaire et les mesures qui se succèdent pour y faire face mettent en relief le rôle des frontières sociales, spatiales et temporelles dans l’organisation de l’économie et questionnent le fonctionnement des régimes démocratiques. Ils donnent une visibilité à l’ampleur des inégalités mais aussi à l’importance vitale de certains métiers souvent peu valorisés voire méprisés. Le tableau est sombre mais les expériences de transformation du travail aident à resserrer l’attention sur l’essentiel : une libération réelle du travail, qui nécessite un cadre collectif et la possibilité de délibérer régulièrement, voire d’intervenir dans la gouvernance. Lucide dans le diagnostic du réel, ambitieux dans l’affirmation du désirable : voici le parti-pris de cet ouvrage collectif qui procède de la conviction que la rigueur scientifique peut être mise au service de la transformation du réel. Le présent ouvrage rassemble vingt contributions endossant des perspectives disciplinaires, théoriques et méthodologiques diverses.
Avec la collaboration du professeur Jean-Claude Coallier (Université de Sherbrooke), nous avons apporté à cet ouvrage un chapitre présentant une revue de littérature apportant un éclairage sur les conditions nécessaires à l’adhésion et à l’appropriation des nouvelles technologies pour que celles-ci impulsent un changement de pratiques professionnelles et de culture organisationnelle. Les entreprises voient en ces évolutions technologiques l’occasion d’insuffler une nouvelle culture organisationnelle et de nouvelles pratiques de travail. Cependant, plusieurs auteurs partagent le constat que l’apport d’outils digitaux ne peut à lui seul engendrer une transformation organisationnelle et culturelle et que cette croyance engendre l’échec de nombreux projets de digitalisation du travail.
Présentée comme la nouvelle révolution du travail, la digitalisation est également la cause de nombreuses déceptions qui prennent leur source dans différents facteurs explicatifs tels que :
Une des conditions de la réussite de la digitalisation du travail est que la technologie permette de focaliser le rôle du travailleur sur des tâches à plus forte valeur ajoutée (expertise de geste, de diagnostic, innovation/créativité, développement de l’activité et des compétences, renouvellement du métier, etc.) tout en le déchargeant des tâches physiquement et cognitivement pénibles et peu valorisantes. Cela sous-tend que la technologie doit « avoir du sens » pour les salariés (notamment être utile pour faire le travail de manière efficace et efficiente), mais aussi « (re)donner du sens » à l’activité : en maintenant le pouvoir d’agir des employés, en développant leurs compétences, en reconnaissant leur savoir-faire, en favorisant l’initiative et l’autonomie et en revitalisant le métier.
Notre revue de littérature a pu soutenir que la transformation digitale du travail représente un changement des modes de travail et de la culture des organisations qu’il convient indiscutablement d’accompagner pour en favoriser le succès. Cela se pose comme un réel défi aux professionnels des ressources humaines pour réfléchir en amont à comment apprivoiser la relation « individu-machine ».
Accès à l’ouvrage en ligne : (Dé) libérer le travail. Paris : Téséo presse.
Accès au chapitre : Chevallier, E. et Coallier, J.-C. (2020). « De la transformation digitale de l’outil de travail à la transformation des pratiques de travail ». In C. E. Gamassouet et Mias. A (dir). (Dé) libérer le travail. Paris : Téséo presse.